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Algérie
: Décès du général Khaled Nezzar, l’homme fort de la
décennie sanglante
Rédigé par Hichem ABOUD Samedi
30 Décembre 2023
48
heures après l’annonce de la date de sa comparution devant un
tribunal suisse pour crimes de guerre et crimes contre
l’humanité, le Vendredi 29 octobre, dans l’après-midi s’est
éteint le général Khaled Nezzar, l’ex-ministre de la Défense
nationale et homme fort du régime algérien, après une longue
agonie qui a duré plusieurs semaines.
Dès
l’annonce du décès du général Nezzar, un déferlement des
internautes sur les réseaux sociaux exprimant une réjouissance
qui reflète parfaitement l’impopularité de celui qui a plongé
l’Algérie dans une sanglante guerre civile dès le début des
années 90’. Il était l’homme le plus honni sur terre pour
des millions d’Algériens.
Le nom du général
Khaled Nezzar reste intimement lié aux 250.000 victimes
innocentes tuées dans une guerre dont l’Algérie s’en serait
bien passé, 20.000 disparus, 10.000 hommes déportés dans des
camps dans l’extrême sud algérien dans des conditions
infrahumaines. Des crimes contre l’humanité pour lesquelles,
Khaled Nezzar devait comparaître devant une juridiction suisse à
Bellinzone du 17 juin au 19 juillet 2024. L’homme a fait
beaucoup de mal aux Algériens. Et même à ses propres enfants.
Il a tué de deux balles leur maman, Fatima Barakat, sous leurs
yeux. Son fils Sofiane, âgé aujourd’hui d’une quarantaine
d’années, le lui a rappelé il y a 4 ans, sur sa page Facebook
en publiant la photo de sa mère. « Tout
son parcours, de sa naissance à sa mort est parsemé de crimes
et de trahisons »
confie un observateur qui connaît bien le sujet.
Né
en 1937 à Seriana dans les Aurès, le berceau de la révolution
algérienne d'où est parti le premier coup de feu annonçant le
déclenchement de la lutte armée pour la reconquête de
l'indépendance, Khaled Nezzar n'a pas jugé bon de suivre les
centaines de jeunes Chaouias de sa région qui avaient pris les
armes pour combattre l'occupant. À l'époque, il était
sous-officier engagé dans l’armée coloniale depuis son
enfance. A l’âge de 12 ans, son père retraité de l’armée
française l’engage dans « les enfants de troupe »
après lui avoir fait passer sa scolarité primaire dans une
école des enfants de colons pour lui éviter « l’école
indigène » réservée aux autochtones.
Son
père Rahal Nezzar, décoré de la croix de guerre de l’armée
française n’a pas hésité à prendre les armes, avec douze de
ses compères, quinze jours après le déclenchement de la guerre
de d’Algérie, contre les maquisards de l’armée de
libération nationale. Le lendemain, la presse coloniale qualifia
ces collaborateurs de « braves ».
Au mois
d’avril 1958, Khaled Nezzar bénéficie de la promotion
Lacoste qui l’éleva au grade de sous-lieutenant. Et de
là, il part infiltrer l’Armée de Libération Nationale comme
beaucoup de ses pairs qui se présentaient comme officiers
déserteurs de l’armée française. Un grand nombre d’entre
eux se trouvaient aux commandes de l’Algérie à la fin des
années 80 sous le régime de feu Chadli Benjedid. Parmi eux, les
généraux Larbi Belkheir, Mohamed Lamari, Mohamed Touati, Hocine
Aït-Abdessalem etc.
D’ailleurs, ce sont ces
officiers qui s’étaient réunis en conclave à l’Ecole
Nationale des Ingénieurs et Techniciens d’Algérie - ENITA
(une école militaire située à Bordj El-Bahri dans la banlieue
Est d’Alger) pour proposer le colonel Chadli Benjedid, alors
chef de la 2ème région militaire, à la succession de
Houari Boumediène à la tête de l’Etat algérien. Une
succession taillée sur mesure puisque Chadli Benjedid guère
rompu aux affaires politiques va déléguer tous ses pouvoir au
commandant Larbi Belkheir. Ce dernier avait exercé sous les
ordres de Chadli à la 2ème région militaire avant qu’il
ne se voie confié la direction de l’ENITA. Il sera le
véritable décideur du pays en associant les Nezzar, Lamari et
leurs compagnons « déserteurs » appelés communément
DAF (Déserteurs de l’Armée Française).
Khaled
Nezzar sera nommé, le 16 novembre 1988, chef d’état-major de
l’armée algérienne. Soit un peu plus d’un mois après les
émeutes du 5 octobre de la même année. Au cours de ces
événements, il se distingua par une sauvage répression contre
les manifestants en donnant ordre de tirer sur la foule. On
dénombre 500 morts. Dans un discours prononcé le 10 octobre, le
président Chadli Benjedid assuma la responsabilité de ce
massacre en déclarant « c’est moi qui ai donné l’ordre
de tirer ». Une façon de sauver la tête du général
Nezzar devant les officiers généraux issus de l’Armée de
Libération Nationale qui lui vouaient une haine viscérale.
Deux
années plus tard, il est nommé ministre de la défense
nationale. Une décision qui provoqua un grand malaise au sein de
l’armée algérienne. Invité par le général Betchine, alors
patron des services secrets, de surseoir à cette décision qui
provoqua l’ire des généraux de l’ALN, à leur tête, le
général Kamel Abderrahim, Chadli Benjedid maintient sa décision
et envoie à la retraite une dizaine de généraux de l’ALN
dont le général Mohamed Betchine.
Pour le
récompenser, Nezzar le déposa le 11 janvier 1992 en le
contraignant à la démission. Un Haut Comité d’Etat,
anticonstitutionnel est créé en comptant en son sein 5 membres
dont Khaled Nezzar et Mohamed Boudiaf rappelé de son exil
marocain. Un rappel qui sera suivi six mois plus tard par
l’assassinat en public de celui qui fut l’un des artisans de
la création du FLN et de la reconquête de l’indépendance de
l’Algérie.
Khaled Nezzar qui faisait de l’affaire
du Sahara occidental un instrument de survie pour le régime
militaire pour pouvoir plonger le pays dans une longue guerre
civile, n’hésita pas à commettre l’irréparable. Trahir un
homme historique et le tuer. Il sera, également, derrière
l’assassinat de Kasdi Merbah, l’ancien patron des services
secrets sous Boumediene, en août 1992.
Durant dix
années de guerre civile, Khaled Nezzar, sans scrupule et sans
foi ni loi, écrasait tout ce qui se dressait sur son chemin. Il
mit l’Algérie à feu et à sang sans éprouver le moindre
remord. Il avait comme alibi « le
sauvetage de la république de l’islamisme ».
On connaît le résultat de ce sauvetage.
Sa
disparition a été accueillie par des millions d’Algériens
avec satisfaction mais, aussi, avec le regret de ne l’avoir pas
vu comparaître devant la juridiction suisse pour ses crimes
contre l’humanité. En tous les cas, l’histoire retiendra
qu’il est le premier officier algérien haut gradé à avoir
été arrêté à Genève, menotté et conduit dans un
commissariat de police où il était placé en garde à vue pour
plusieurs heures. Il sera humilié une autre fois lorsqu’il a
été auditionné durant trois jours par le procureur fédéral
de Berne qui n’avait pas manqué de le rabaisser au cours d’une
confrontation avec les plaignants.
D’autres généraux
auront à méditer sur la fin de Khaled Nezzar.
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